Éditions Antisociales
  Lettre des Éditions Antisociales à Yves Pagès
 
Début février 2005, en réaction à la publication de Marinus van der Lubbe et l'incendie du Reichstag et de L'Ultime Razzia, l'éditeur parisien Yves Pagès nous envoyait un texte fastidieux de six pages intitulé « Retour de flammes ou Réponse aux anathèmes de Nico & autres "antisociaux" dans leur livre sur "l'incendie du Reichstag" ». En voici quelques extraits :
 
« Encore adolescent, vers la fin des années 70, j'ai beaucoup entendu dans la bouche de staliniens et de quelques léninistes d'extrême-gauche cet anathème: "provocateur policier!" (...) Mais, comme j'ai pu alors le vérifier, jamais rien n'est venu étayer la bêtise mensongère de ce raccourci : "provocateur policier !" Oui, il y avait quelques poignées d'indics ou d'infiltrés, mais tout était loin d'être supervisé par le grand méchant Big Brother. Les plus malins des délateurs de gauche, faute d'apporter les preuves d'une connivence réelle entre les fameuses "extrêmes qui se touchent", supposaient que nous étions manipulés à notre insu, ou plus subtil encore, que nous étions instrumentalisés à distance, puisque nous faisions le jeu de l'ennemi. Et voilà, les grands mots lâchés, nous étions les "alliés objectifs" de l'Ordre dominant, ses plus ou moins délibérés mercenaires. »

« En tant qu'humble lecteur de Diderot, Fourier, Marx, Canetti ou Deleuze, bref en tant qu'inguérissable matérialiste, j'ose croire que les machineries sociales & mentales ne peuvent se réduire à des machinations; j'ose croire que la puissance objective des conjurations avérées est limitée, et qu'elle n'a pas pris toute la place des révoltes contagieuses, insoumissions partielles & résistances passives liés [sic] aux conditions d'existence du précariat généralisé d'aujourd'hui. »

« Quant aux affabulations diverses sur le 11 septembre 2001, alors là, non, trois fois non : la régression militaro-religieuse qui secoue le palmier islamique ne s'explique pas en son entier par la main invisible de la CIA, ni bien sûr par la fable paranoïaque de quelques pilotes kamikaze [sic] appointés par une éminence grise de la politique du pire étazunienne [sic]. Cette régression idéologique est complexe, liée à des antagonismes au sein de la bourgeoisie saoudienne ; elle prospère sur un terrain social dévasté, elle succède à l'échec du panarabisme; elle résulte d'une foultitude de paramètres, dont la coalition d'intérêts entre frères-ennemis évangélico-bushiste et islamo-djihadiste n'est qu'un symptôme de circonstance loin d'épuiser la portée du phénomène. »

« Mais en-deçà du délire paranoïaque-critique dernier cri - Ben Laden en pur et simple mercenaire de l'Impérialisme étazunien [sic]... -, reste le modèle théorique de cette extra-lucidité pseudo-subversive : c'est la sempiternelle thèse de la nécessité historique. Il fallait que les tours jumelles tombent pour que la convergence originelle entre les exploiteurs d'Orient et d'Occident apparaisse pour ce qu'elle est : une affaire de jumeaux. L'Empire du Même, donc. Et d'ailleurs, c'est arrivé parce que cela devait nécessairement arriver. La preuve, que c'était nécessaire, c'est que c'est arrivé. Ce genre de sophisme ne manque pas d'air, il se donne même des airs matérialistes scientifiques, mais justement il en reprend la faille majeure, ce reste de téléologie hégélienne qui hante la faible part déterministe messianique de l'œuvre de Marx. Repassée à la moulinette post-debordienne, d'humeur plutôt apocalyptique par ces temps qui déchantent, cette téléologie se fonde en dernier recours sur ce postulat spécieux : les causes premières (ou prétendues telles) produisant les mêmes effets secondaires (ou presque), elles font nécessairement cause commune. Pitié, assez de raccourcis métaphysiques ! Assez d'arrière-pensées, un peu de pensée tout court. »

« En préparant, avec Charles Reeve, Les carnets de route de l'incendiaire du Reichstag, il me semblait qu'à travers Van der Lubbe, authentique combattant anti-capitaliste & anti-fasciste, lui-même victime des propagandes complotistes nazie et stalinienne, bien des œillères allaient tomber. J'imaginais que l'enjeu essentiel de ce livre serait d'emblée accepté dans certains milieux (...). »

« À ce sujet, il est proprement renversant de constater la mauvaise foi pseudo-situ de nos insulteurs "anti-sociaux". En effet, petite précision historique, le noyau dur situationniste des années 60, pourtant prompt à se réclamer des Conseils ouvriers, ignorait tout de la vraie nature des engagements conseillistes de Van der Lubbe. À tel point qu'en décembre 1969, peu après l'attentat de la Piazza Fontana (en effet commandité par une fraction clandestine de l'État italien, mercenarisant pour l'occasion des militants néo-nazis), quelques situs milanais pouvaient dénoncer cette authentique manipulation sanglante (visant à briser l'élan des luttes sociales en Italie) sous ce titre analogique : "Le Reichstag brûle !" Critiquant le "spectacle du terrorisme", ces situ-là [sic] se trompaient donc de référent historique, salissant du même coup la mémoire de Marinus (par ignorance, sans doute), pour mieux imposer leur précepte trompeur : tous les actes terroristes ont depuis la nuit des temps été de même nature. »

« Reste que, à flâner sur Internet, on se surprend à voir certaines balivernes prospérer. Ainsi, peu après le massacre des Twin Towers (...), dès le 25 septembre 2001, quelques pseudo-situs de la Contempory [sic] Prehistory Institute recyclaient la chose sous ce titre: "The Reichstag is burning again!", associant explicitement l'incendie du Reichstag, l'attentat de la Piazza Fontana et le dézingage des gratte-ciels new-yorkais pour mieux les unifier sous un même paradigme conspirationniste, simplifié à l'extrême selon cet adage: "Le terrorisme est toujours le fait de l'État". J'aimerais ne voir là qu'une scorie du cyber-bavardage underground, mais j'ai bien peur que ce spectre du complotisme hante beaucoup d'autres consciences critiques désemparées. Comme s'il ne restait de nos désirs de réinventer le monde qu'un contre-moule prédicateur et désillusionné, celui des Cassandre et des oiseaux de malheur. »
 
Réponse des Éditions Antisociales à Yves Pagès
 
Le 3 mars 2005
Épicier,
 
Nous avons lu ta prose préfabriquée, entièrement tissée d'amalgames et de calomnies. Te rends-tu seulement compte que tu écris comme un ordinateur instruit dans une fac de lettres ? Pour ne prendre qu'un exemple, même pas le plus immonde, tu es bien d'accord avec Le Pen, Sarkozy et TF1 pour considérer l'islamisme et le terrorisme comme une seule et même réalité... Gros beauf ! Ça dit tout de ta mentalité.

Tu crois pouvoir en plus venir nous faire ta leçon de soi-disant vieux rebelle militant ! Arrête ton film, pour nous tu n'as jamais été rien d'autre qu'un banal éditeur mondain qui plaît aux petites pouffes, drague les bobos pro-situ et s'éclate à lécher le cul des jurys littéraires. Tu ne peux même pas t'empêcher de te la ramener avec tes prétentieuses lectures, qui n'impressionnent que toi, illettré ! Prof ! Qu'est-ce que ça peut bien nous foutre que « le noyau dur situationniste » n'ait pas tout su, en 1969, de l'incendie du Reichstag ?

Et toi, minable, qu'as-tu cru et que crois-tu comme mensonges et comme conneries ? Ton bla-bla stéréotypé sur le 11 septembre, il n'y a que dans ton petit milieu de branleurs intellectuels qu'on est assez taré pour y croire. Le « précariat » dont toi, le bourge, tu oses te réclamer sans l'avoir évidemment jamais fréquenté ni de près ni de loin, traite ouvertement de bouffons tous ceux qui ont pu gober la version officielle sur les attentats du 11 septembre, dans les usines, sur les chantiers, dans toutes les cités et jusque dans les cours de récré. C'est bien ça qui te fait tellement flipper: tu ne peux rien changer à notre « humeur plutôt apocalyptique ». Maton de la pensée !
 
Pour les Éditions Antisociales,
 
Quentin Chambon
 
 
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