Barbara Serré-Becherini De Profundis Une journée de travail des musiciens roumains du métro parisien
Paru en janvier 2022
De Profundis : Du fond du trou monte un chant d’espoir, une voix exprimant la foi en une vie meilleure, plus sûre et certaine qu’une patrouille de flics de revoir l’aube (comme dit et redit dans le Psaume 130 [129]).
Avec ce film documentaire, tourné le mardi 31 mai 2016 et achevé à l’été 2018, Barbara Serré-Becherini poursuivait à la fois son exploration des interstices de la proche banlieue parisienne (exposition L’Autre Canal, avec Maïssoun Zeineddine, 2019) et son travail sur le travail (Une journée de travail de l’équipe de nettoyage de l’INA, 2012 ; Une journée de travail de l’équipe de restauration de l’INA, 2013). En descendant dans les profondeurs du métro, dans ce monde souterrain où le malheur et la folie prospèrent sous les décors factices du Paris officiel, elle réussissait à retrouver ce qui fait que Paris, envers et contre tout et quoi qu’on en dise, sera toujours Paris : l’authentique bohème, qui n’a décidément rien de bourgeois, ce « stage de la vie artistique, préface de l’Académie, de l’Hôtel-Dieu ou de la Morgue », qui « n’existe et n’est possible qu’à Paris », dixit un connaisseur (Henry Murger, Scènes de la vie de bohème) ; le libre titi, ici Sebi qui se prit au jeu des images, et s’invita au tournage sans prévenir, sans autorisation de personne ; et même en surface, lors d’une brève sortie place de la République pour échapper aux talibans de la RATP, l’aperçu lointain de cet éphémère détournement collectif de monument qui proclamait l’Utopie victorieuse de la barbarie obscurantiste.
Depuis la pandémie de Covid-19, le métro parisien a pu refléter la transformation en pire de la société tout entière : les artistes mis au chômage sans indemnités, on n’y entend plus que les sermons menaçants d’autorités irresponsables ; on n’y assiste plus qu’à une longue et monotone tragédie, où le chœur muet des masques exprime la conscience de l’air empoisonné. Devenu document historique sur le métro d’avant 2020, ce film peut aujourd’hui être vu comme un hommage aux habitants des « platz » qui ont payé un si lourd tribut à la maladie.